ESPACE CRÉOLE

ESPACES FRANCOPHONES (Avril 1997)

 Revue du GEREC

(Groupe d'Études et de Recherches en Espaces Créolophone et Francophone)

N° 9

 

Sommaire

Avant propos

Linguistique

Psycholinguistique / Pédagogie

Anthropologie / Ethnolinguistique

Histoire des aires créolophones

Littérature

Didactique des langues

Notes de lecture

 
Mère Camopi Femme Camopi de Guyane Française.   Source
 

AVANT-PROPOS

Un nouveau départ...

Créé en 1975 à l'initiative du tout nouveau groupe de recherches, le GEREC (Groupe d'Etudes et de Recherches en Espace Créolophone) dont Jean Bernabé fut le fondateur au sein de l'UER des Lettres et Sciences Humaines des Antilles et de la Guyane, la revue Espace créole a non seulement participé à la découverte par les Universités françaises et francophones de l'objet créole, mais encore a marqué de son empreinte ce qu'il est convenu d'appeler la linguistique native et donc, en l'espèce, la créolistique native. La description des créoles, en effet, depuis l'Allemand Hugo Schuchardt à la fin du siècle dernier, avait presque toujours été l'apanage de chercheurs étrangers mieux formés et, il faut l'avouer, plus soucieux de scientificité que leurs alter ego autochtones. Les études du Trinidadien John Jacob Thomas (1869), du Guadeloupéen René de Poyen-Bellisle (1890) ou de la Martiniquaise Elodie Jourdain (1951), entre autres, ne manquaient certes pas d'intérêt mais se caractérisaient soit par un conformisme de mauvais aloi soit une trop grande dépendance à l'endroit de la tradition grammaticale européenne peu adaptée à l'analyse de langues qui, comme les créoles, ne relèvent pas de la seule influence européenne mais aussi d'apports amérindiens et ouest-africains ainsi que d'innovations qui leurs sont propres.
Pour les Petites Antilles et la Guyane, le GEREC a donc joué, dans les années 70 et 80, le rôle de catalyseur de toute une génération de jeunes chercheurs natifs qui, tant en linguistique qu'en sociolinguistique, en anthropologie qu'en analyse littéraire, s'est efforcée de jeter un regard endogène sur la réalité créole. Ce regard s'est constamment effectué en dehors de tout ostracisme à l'égard des chercheurs non-natifs puisque dès le départ, le GEREC a régulièrement compté en son sein des chercheurs originaires de l'Hexagone notamment qui, en leur temps, lui ont apporté leur talent et leur savoir tels que Jean-Luc Bonniol (actuellement professeur à l'Université de Provence), Renaud Méry (actuellement professeur dans la même université) ou encore Singaravelou (actuellement professeur à l'Université de Bordeaux III). Dès le départ, l'optique a été claire: favoriser la confrontation permanente du regard endogène et du regard exogène, confrontation qui seule permet d'éviter d'une part la tentation du nombrilisme, de l'autre celle de l'arrogance occidentalo-centrée.
Avec 8 numéros, la revue Espace créole a, non sans difficultés dues à des problèmes d'édition et de cohésion du groupe de recherches dont elle est l'émanation, jalonné le parcours multiforme de la créolistique moderne. Aujourd'hui, le moment est venu de lui donner un second souffle grâce à une parution plus régulière (2 numéros par an) et à la collaboration d'une nouvelle vague de créolistes tant natifs qu'enracinés dans l'amour de la langue et de la culture créoles.
Entre temps, la réalité de nos pays a évolué, les positions glottopolitiques des uns et des autres se sont nuancées (ou parfois inversées) et une nouvelle approche des rapports entre créole et français a vu le jour, grâce en grande partie au mouvement littéraire de la Créolité qui s'est affirmé comme le courant majeur des lettres antillo-guyanaises en cette fin du XXème siècle. Le GEREC ne pouvait demeurer insensible à ces changements d'autant que certains de ses membres en étaient les acteurs principaux. C'est pourquoi de l'étude du seul créole et de la seule culture créole, il a récemment élargi son champ à celle du français des Amériques et des cultures francophones en général. Désormais, notre revue devient Espace Créole/Espaces francophones, ce qui, à nos yeux est la conséquence logique d'un mouvement en trois temps qui s'est décliné de la manière suivante au cours des trente dernières années:

  • années 70: revendication linguistique pro-créole très affirmée afin de lutter contre le phénomène de décréolisation massive qui affectait le créole; élaboration d'une graphie scientifique dite "Graphie-Gerec"; publication de livres et de journaux entièrement en créole utilisant, dans leur effort de construire une norme, le concept de "déviance maximale", que le groupe a toujours pris pour ce qu'il est, un instrument glottopolitique.
  • années 80: déconflictualisation des rapports entre créole et français grâce à la littérature de la Créolité dont P. Chamoiseau est l'une des figures les plus marquantes/mise en place d'enseignements de langues et cultures créoles dans certains collèges et à l'Université.
  • années 90: mise en route du processus de recréolisation par le biais de la licence-maîtrise de Créole à l'Université des Antilles et de la Guyane et par la lutte pour la création d'un CAPES de Langues et Cultures Régionales - Option Créole/Introduction du créole en tant que LV3 (Langue Vivante 3) à partir de la seconde dans certains lycées; Création du GIL (Groupe Informatique Linguistique), sous-section du GEREC-F, dirigée par Jacques Coursil; Création dans le cadre de l'UFR des Lettres et Sciences Humaines de l'UAG de l'ISEF (Institut Supérieur de la Francophonie), dirigé par Patrick Dalhet, à l'UAG.

Il s'agit d'une véritable mutation du GEREC, consécutive à l'évolution historique que nous venons d'esquisser, entraînant forcément celle de la revue Espace créole. Une plus large place sera faite à la créolistique au sens large du terme, notamment à l'histoire et à l'anthropologie des aires créolophones dont beaucoup de champs restent encore à défricher. Désormais, hormis pour la publication des actes de colloques à venir, nos numéros ne s'efforceront plus d'être thématiques comme dans le passé mais s'ordonneront en rubriques distinctes (Linguistique - Sociolinguistique - Psycholinguistique - Anthropologie - Analyse littéraire, etc.) qui témoigneront de l'état d'avancement des travaux de nos différents collaborateurs. Cela nous semble une perspective plus juste que celle qui consiste à solliciter artificiellement des articles sur un thème prédéterminé. Cela permettra aussi de faire leur juste place aux travaux d'informatique linguistique du GIL lequel représente, pour le GEREC, une orientation vers la recherche fondamentale complémentaire de la recherche appliquée et du souci patrimonial toujours affirmé.
Enfin, il convient d'affirmer qu'Espace créole/Espaces francophones considérera comme faisant partie de son champ légitime d'études toute la littérature antillo-guyanaise de langue française, tant celle d'hier que celle d'aujourd'hui, et n'omettra pas de s'intéresser de près aux littératures francophones du Québec, d'Afrique noire et du Maghreb. Enfin, toujours dans le même ordre d'idées, la didactique du FLE (Français-Langue Etrangère) constituera l'un des axes privilégiés de notre réflexion et de nos publications.

Raphaël Confiant
Responsable des publications du GEREC

 

NB
: La revue à orientation pédagogique Mofwaz qui fut, en quelque sorte, la petite soeur d'Espace créole, reparaîtra elle aussi à raison de 1 numéro par an, cela à compter du troisième trimestre 1999.
D'autre part, un bulletin d'informations trimestriel sur les différentes manifestations et publications tournant autour des langues et cultures créoles et francophones, sera bientôt édité. Ce bulletin sera intitulé Kourilèt.