When
nations grow old, the arts grow cold and commerce settles
on every tree.
- William Blake, poet, engraver, and painter (1757-1827).
Lè ou vwè
Nasion ka vin vié, fos artistik a yo ka fwadi,
é sé komes ka pran lanmen an chak piébwa.
- William Blake, on poet, gravè, é pent anglé.
(1757-1827). |
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Novembre 03 en Guadeloupe: une Semaine
Commerciale sur l’Inde a eu le mérite de réveiller
dans une hyper-marchanderie abymienne la conscience de l'apport
coolie en îles. Les malpalan diront, non sans ti-brin d’raison,
que la récup de 2004, anniversaire de la rivée de
nos indiens, est bien partie. Mais, «on va dire»,
«il va falloir», qu'on fasse avec.
Plaisants «défilés de saris» et autres
salwar-kameez (dits pendjabi, mais pas que du
Pendjab) ont attiré et flatté, humecté même
l'œil de milliers de visiteurs. La cuisine indo-créole
- lotis et colombos traditionnels ramenés
de Saint-François ou griffe novatrice alla Maître
Chaville - ne se voulait pas éclipsée par l'indo-indienne
aux nàn et tandoori tout aussi goûteux.
Vêtements d'Inde moderne et accessoires, CD classiques, dévotionnels,
musiques de film, ont fait recette...
C'est plutôt quasi-indifférente que la cohue filait
devant nos ti-fabricants de tapou, matalon, et
talon traditionnel. Les montreurs d'images en classeurs
sous polyéthylène-A4, de plantes utiles en ti-pot
avec fiche technique, se perdaient dans le décor. Ces tites
présentations trop scolaires et d'un temps révolu
pêchent sans doute par leur amateurisme, et ont peine à
émerger. Dans un contexte obèse de vendeurs de lourdes
divinités et autres meubles massifs, grévés
de frais d'approche et de bénêt-f, il faut fourbir
ses armes !
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Babioles
et richesses à profusion.
Cliquer sur l'image pour la grandir.
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Pero si ! le plus grand mérite de la manifestation
aura été sans nul doute de faire affluer nos personnes
d'origine indienne, sorties comme touloulou de leurs trous.
Timidement, parfois même méfiamment, un titak
du paon indien de notre peuple est sorti de sa réserve, venu
en ce lieu de courses en se tâtant comme en pélerinage
aux sources... Jusqu'au samedi final, ce furent danses gracieuses,
chiffons mordorés, musiques langoureuses, rires friands et
applaudissements ébahis. Et, puisque nou sé sa
nou yé, entre deux prestations de danse rigueur des
élèves de la sémillante Isabelle Govindin de
Scherer, on aura capté, sur divers tons, un bon ti brin de
«Bon dié, mé ola tou sa zendien sòti,
on?». Et ce glabre et innocent «Mé ka
zòt vlé ankò, on?».
Pour certains, ce n'était que commerce soutenu par de la
culture. Point ou si peu de trace des origines, de l'histoire oubliée.
Comment s'habillaient vraiment nos ancêtres indiens? Comment
vivaient-ils, comment ont-ils vécu? N'ont-ils pas, autant
qu'Afrique ou Gascogne, créolisé l'âme Gwa,
et bien plus qu'on ne le pense? Bonnes questions. Et on attend toujours
les dates indiennes repères d’une guad’histoire
encore bi-céphale dans les n’euro-z’écoles.
L'asso-phare des Indiens de l'âme qui se bat pour
être number One sur tous les fronts du 2004 - tout le monde
est pourtant fédéré à Bharat-à-Gua
– s’était accouplée une boutique de rutilantes
babioles et clinquants colifichets. En l'absence d'un Fred Négrit
qui a failli, le saviez-vous, laisser sa peau dans cet humanitaire,
l’infatigable Annick de Raghouber fit encore prouesse avec
ses danseuses fraîches, gaies et épanouies.
Un pur négroïde applaudissait, facondant parmi la foule
multicolore. Il nous s’expliqua: «Je me croyais Le Nègre.
Mais en faisant recherches pour un partage de terres, remontant
au temps de l'indivision et de la plantation, je me suis découvert
aussi des ancêtres indiens, et blancs. Alors, zafè
a «nou sé nèg»-la, sé foutèz!
An tini tout ras adan mwen, é fò yo tout viv isidan!»
L'animation, son absence parfois cruelle d'explications, renseignements,
rappels historiques, culturels, cultuels fut maintes fois palliée
par volontaires passant par là. Une Rosie de Pondichéry
mariée à un guadien, un Vishnou Shitalou cultivé,
un couple Nagapin soucieux d'instruire et partager, un JS Sahaï
lisant Coulée d'Or d'Ernest Pépin racontant
ses indiens d'enfance et leurs tribulations,… accouraient
au secours d'une souriante Brigitte Zabarel ensarifiée, avide,
comme tant de ses congénères, de kouté
pou tann...
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Jean-S.
Sahaï prête main forte à l'animation.
Cliquer sur l'image pour la grandir.
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Il fallait voir les photos de sites indiens, don de l'ambassade
de l'Inde à Paris acheminé grâce à la
persévérance de M. Kumar Moorjani: une foule de riches
tableaux mais trop haut au plafond, donc mal vus, avec mal au cou.
Il fallut insister pour que redescende à hauteur des yeux
l’expo, glorieuse, du Bouddhisme en Inde. Et la collection
émouvante sur le Mahâtma Gandhi - hélas empilée
sans recul ni perspective, parfois à hauteur de genou, laissée
sans commentaire ni débat.
Le culturel et l’édifiant, n'est pas à vendre,
certes, et ne relève pas des soins d’étalagistes
pro. Et certes aussi, ce n'est qu'un début, l’amorce
de 1854-2004.
Espérons que ni mercantilisme opportuniste, ni quête
superfétatoire de prestige perso, fausse modestie non plus,
n'étoufferont dans l'œuf la curiosité enfin dé-tabouillée
des indo-karu et des guadéens qu'ont fondu de tous âges.
Êtres qu’on dirait conscients de s'approprier eux-mêmes
leur part oubliée de notre histoire et mettre en perspective
notre diversité.
Pour lever menton ensemble, pays construire marchant bwarés.
Jean-S. Sahaï
Photos : Charlie Lion.
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