Cours

 

L'épreuve de créole réunionnais en 3 temps
Préparation au Concours de Recrutement des Professeurs des Ecoles
Corrigé de l'exercice de traduction

 

par Daniel Lauret, André Payet & Monique Payet

 
Nuska

L'usine

Un lundi matin, je suis arrivé devant la grue. J'ai posé mes fesses sur un coin de mur et j’ai observé les ouvriers. Ils étaient tellement fiers que c'est à peine si leur pieds touchaient le sol.
Quand la cloche a sonné sept heures, ils sont entrés dans l’usine. Avec quelques camarades, nous avons attendu qu'un contremaître vienne nous voir. Quelques instants après, Monsieur L'enclume (un vieux Petit Blanc des Hauts arrivé là grâce aux magouilles de son père et à cause de la blancheur de sa peau ) est passé près de nous.
- Eh vous, qu'est-ce que vous attendez là? nous a-t-il demandé.
On s'est tous levés et on l'a salué chapeau bas.
- Bonjour, Monsieur L'enclume, a dit l’un d’entre nous, on est venu vous voir pour quelques journées de travail, s’il vous plaît.

L'enclume nous a bien regardés avant de déclarer:
- Du travail, il y en a, mais vous vous êtes vus? Il me faut trois ou quatre personnes et vous êtes au moins une dizaine! Je ne peux pas embaucher tout le monde. Et puis, j'ai besoin de types costauds, pas de gringalets. Les jambes de moineaux, vous pouvez dégager.
Quant à moi, il n'a pas regardé mes jambes, mais plutôt ma tête. Mes cheveux crépus lui ont sans doute plu car j’étais du même gabarit que ceux qu’il avait renvoyés.
Il m'a simplement dit:
– Toi, va voir Zagate à la bagasse.
J'ai mis les mains sur ma tête et, dans mon cœur, j’ai remercié le bon Dieu. J’étais tellement content: le vieux peut dire ce qu’il veut maintenant, je ne monterai plus couper les cannes et même si le prix à la tonne augmente, qu'il ne compte plus sur moi! Je reste à l'usine. Ici je suis tranquille. Finies les feuilles de cannes qui coupent, fini le duvet qui démange. Question travail, il n'y a pas de quoi se casser les os et pour le déjeuner j'aurai droit à un repas chaud pour me remplir l'estomac, alors qu’aux champs, il faut se contenter d'un repas refroidi et s'habituer à ne rien trouver dans la marmite au retour de la journée de travail.
En plus, à l’usine, la paye est plus conséquente: je pourrai travailler la nuit et faire des petits boulots, le dimanche, pour arrondir les fins de mois.