«Pawol Kreyol»

Suzanne DRACIUS – Rencontre d'une auteure Marronne
la Conférence du 9 avril dernier, à la Mairie du 19ème arrdt

par Véronique LAROSE 

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Pawol Kreyol

Alfred ALEXANDRE | Ano (Eddy FIRMIN) | Nicole CAGE-FLORENTINY | Philippe CANTINOL | Aimé CÉSAIRE | Ina CESAIRE | Patrick CHAMOISEAU | Romuald CHERY | Pierre CLERY | Maryse CONDÉ | Raphaël CONFIANT | Tony DELSHAM | Suzanne DRACIUS | Suzanne DRACIUS 2 | Igo DRANÉ | Jules EULALIE | Rodolf ETIENNE | Daniel ILLEMAY | Félicien JERENT | Fabienne KANOR | Elise LEMAI | Alain MABIALA | Didier MANDIN | Tony Mango | Elvire MAUROUARD | Ruth Narbonnais | Daniel-Yves PHAROSE | Gisèle PINEAU | Audrey PULVAR | Juliette SMERALDA | Sylvia SERBIN | Joseph ZOBEL | Adèle et la Pacotilleuse | Cénesthésie et l’urgence d’Etre… | La Compagnie «BOUKOUSOU» de Max DIAKOK | Des travaux collectifs littéraires | La permanence psychologique du CASODOM | La Noce chez les Petits Bourgeois…créoles | Nous étions assis sur le Rivage du monde… | Quand la Révolution, aux Amériques, était nègre… | «l’Alchimie des Rêves» | «Les Voix nègres de Victor Hugo» | Pour une Mémoire musicale antillaise | Le «Quiz-kréyol» de Philippe MARIELLO | Les Postiers déracinés Provinciaux, Antillais… des racines et des lettres» | La Mémoire enchaînée – Questions sur l’Esclavage de Françoise Vergès | Les Editions DESNEL | Deux recueil des Editions DESNEL | Hommage à Aimé Césaire - Symphonies Nègres | L’Oralité créole en envol! | Atelier de créole à Paris | L’Avenir est Ailleurs | Atelier de créole à l’Amicale RATP DOM TOM | En Poésie la Vie | Ti Niko le héros espiègle | «A l’ombre du Corossolier» | La Prison vue de l’intérieur | Zôdi nonm | Pilibo | Xavier Harry | Mes Quatre Femmes | Firmine RICHARD

Rue Monte au ciel

Éditions Desnel, Fort-de-France.

«Le marronnage est une opposition sociale, politique et culturelle […]. Il a fini par engendrer des réflexes culturels et intellectuels féconds» (Edouard GLISSANT, ouverture du collectif de nouvelles, «Paradis brisé - Nouvelles des Caraïbes», éditions HOEBEKE-2004.)

1. L'auteure

Née à Fort-de-France en Martinique, Suzanne DRACIUS a suivi un cursus littéraire brillant à la Sorbonne. Professeur de Lettres Classiques, elle a à son actif une œuvre multi-disciplinaire, qui mêle romans, nouvelles, poésie et théâtre. Son cursus de Lettres Classiques se retrouve dans une syntaxe empreinte des tournures de langues anciennes (latinisme et hellénistique), dans des références riches à la Mythologie, dans un vocabulaire nostalgique d'archaïsmes. Et pourtant, se greffent des racines créoles incontournables. Sortir d'un «complexe linguistique» où le créole était «diabolisé» et le bèl fwansè «sacralisé». Une écriture où l'auteure aime à «chevaucher allègement français et créole». Donner des couleurs et des saveurs à cette mixité linguistique.

Cette confluence de sangs, de sens, de langues, de syntaxes amène Suzanne DRACIUS à se qualifier avec humour de «mulâtresse calazaza gréco-latine».
«Marronne de coeur et de couleur». Epanouie dans cette «culture multiforme», colorée de l'Enfance Martiniquaise  et de «l'En-France» Parisien.

De même, elle se plaît à adopter des styles littéraires différents, au gré de son inspiration: poésie, roman, nouvelle, théâtre. Actuellement, le projet qui lui tient à coeur : sa pièce «Lumina Sophie dite Surprise» pour donner «honneur et respect» à cette femme de combat lors des insurrection nationalistes de 1870 en Martinique. Cette pièce a pu être représentée en Martinique…à quand la Métropole ? Une façon de créer une «mythologie créole» collective.

2. Sa dernière publication

Le recueil de nouvelles «Rue Monte au Ciel» (2003 – éditions DESNEL) rassemble des personnages de lieux et d'époques différents, mais unis par cette même force: Survivance

2.1 Présentation du recueil :

Ce recueil se compose de 9 nouvelles : «Sa destinée rue Monte au Ciel» - «De sueur, de sucre et de sang» - «Les trois mousquetaires étaient quatre» - «La Virago». - «L'âme soeur» - «Chlorophyllienne création» - «Oedipe en train» - «Petit enfant n'est pas grain de roche» - «Écrit au jus de citron vert». Des titres percutants pour des personnages aux destinées sorties de leur monotonie par des facteurs extérieurs. Ces  facteurs extérieurs révèlent chaque personnage à lui-même: un sursaut de conscience, une rencontre de hasard (rencontre amoureuse, affectueuse ou encore étonnante), une ressemblance physique, une envie viscérale de vivre de mots, et tout cela dans une galerie humaine de personnages qui véhiculent, en eux, un combat. Marronnage en maître-mot: «pour se dégager d'un carcan». Carcans féminins, carcans de peaux, carcans sociaux : quitter des préjugés archaïques pour une «réconciliation des ethnocastes antillaises », car «nous sommes des vents-menés».

2.2 La genèse d'un genre : la nouvelle chez Suzanne DRACIUS

D'abord une démarche effectuée à la commande d'éditeurs enthousiastes. Puis, elle a fini par faire sienne cette nouvelle parole qui suscite chez le lecteur l'attente palpitante de la chute. Cette finale qui intrigue, questionne, dérange, heurte: une finale qui est ainsi…un début de réflexion pour le lecteur! Ce genre littéraire permet de créer  «des univers clos». Cet aspect «des microcosmes» est pour elle liberté de suggérer. Dans son recueil «Rue Monte au Ciel» (2003 – éditions DESNEL), elle joue avec «l'artifice historique» de dates-clés qui se rappellent à nous: la ville de Saint Pierre en 1902 dans «Sa Destinée rue monte au Ciel», mais aussi 2002, pour la tardive panthéonisation d'Alexandre DUMAS, pour le bicentenaire de sa naissance. De lui, Suzanne DRACIUS a conservé ce poids de l'Histoire: «L'Histoire n'est jamais qu'un clou auquel j'accroche mes romans.» De plus, la nouvelle est un genre littéraire qui «renoue avec la tradition des contes antillais». Une «oraliture» vivante, vivace.

2.3 Etude de quatre de ces neuf nouvelles – recueil «Rue Monte au Ciel»

Un vecteur, un fil conducteur: Survivance indomptée par les carcans sociaux, moraux pour vivre dans le Vrai de son être et de sa chair… Survivance au silence, telle est l'empreinte de ces neuf nouvelles du recueil Rue Monte au Ciel. Un marronnage physique, psychologique, pour dé-sceller ce mal viscéral de la perte de soi-même.

  • lutte contre des conventions littéraires qui aiment à étiqueter à outrance les auteurs selon leurs origines, leur sexe même…
     
  • «Sa Destinée rue monte au Ciel»: survivance pour ne plus taire une dignité et une féminité. Mai 1902, Saint Pierre, Martinique. La jeune Léona, au service d'une «haute» famille békée, souillée par son maître et battue par sa maîtresse. La fuite, il lui faut fuir: fuir cette ignominie qui la salit, fuir cette ville Saint-Pierre où – décidément – l'odeur de souffre et l'air alourdi de cendres l'indisposent…Ce sursaut-là sauvera Léona d'un avenir servile. Mais pire encore, elle fuit - sans le savoir- le tragique destin de Saint-Pierre.
     
  • «De sueur, de sucre et de sang»: survivance à l'indifférence et à la bienséance. Emma B., épouse d'un notable-notaire de Fort-de-France, est emmurée vive au nom de la bienséance. Interdiction formelle de sortir, pour tenir son rang… Et pourtant, ces hommes qui partent de bon matin pour la distillerie, l'intriguent, la troublent. Elle choisit – elle si docile comme s'en félicite son honorable époux - un jour, une escapade à la distillerie. Elle commet un acte irréparable qui l'ampute physiquement, mais la laisse victorieuse humainement: elle est bel et bien vivante, malgré ce tombeau social imposé...
     
  • «les Trois mousquetaires étaient quatre»: survivance à la négation de son identité. L'année 2002. L'année qui célèbre en France le bicentenaire de la naissance de Victor HUGO. Mais aussi l'année du bicentenaire de la naissance d'Alexandre DUMAS, auteur français emblématique dont on tait le bicentenaire… en vertu de ce sang noir de l'esclavage qui coule dans ses veines et qui se voit dans ses traits? Ne pas taire son histoire, sa mémoire noires. Les crier telles qu'elles doivent être: connues et reconnues. Au risque d'être emprisonné, comme notre héros de cette année 2002. Pris pour un dément qui trouble l'ordre public. Au nom d'un défi de ré-habilitation: qu'il y aient désormais des rues et avenues «Alexandre DUMAS»…
     
  • «Chlorophyllienne création»: survivance de l'expression littéraire d'une femme passionnée. Qui se donne à cette expression en pure conviction, sans conventions. La conviction d'être pour l'Ecriture. Une révolte. La lutte contre des conventions littéraires qui aiment à étiqueter à outrance les auteurs selon leurs origines, leur sexe même…

Véronique LAROSE
 

  Île en Île : Susanne Dracius, biographie, bibliographie.
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