1
Rivières qui passez
les coffres vermoulus
ne vous concerne pas
mais toi-même enfermé
dans le printemps des saules
sais-tu quelle est ma vie
au bout de ta mémoire
un chandelier de cuivre
s’endort comme un vieux chat

2
À l’horizon bouclé
les grandes centaurées
aiguisent les prairies
neigeuses de l’été
cela n’est rien dit-il
en suivant de mémoire
un fleuve d’amertume
sur le pli de ses lèvres
mais la boue
et aussi le soleil
les veines craquelées
de la fécondité
ainsi noué le feu
emprisonne le feu
le temps pour oublier
n’est que l’oubli du temps

3
puis les premières feuilles
se rallument déjà
grand veneur du silence
l’automne marque le pas
timides les prairies
labiales de l’enfance
l’échappée du soleil
n’effarouche personne
mais si vif oiseleur
qui donc a ajouté
des cloches de cristal
à tes appeaux d’ivoire

4
La mer comme une coulée de lave
l’or trop fin des négriers
ressac sac et victoire
la pierre à sucre s’enroule sr l’essieu
marquant d’un peu de bronze
l’âme de glas des violoncelles

5
Le passage de l’aigle
anime les charpentes
dans l’aigu des fontaines
dans la poussière des combes
qui pense à se venger
de la fièvre de l’arbre
fragile en son aubier

6
Car il y a toujours
des lieux de solitude
où la lumière se joue
de l’imprécis des portes
où la mémoire érige
des forteresses graves
glacis à dénombrer
les racines du temps

©José Le Moigne
Portuaire…
Le Pont de l’Epée
1985
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 Viré monté