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Formulaire des désirs

aux Mages rencontrés
pour Arthur Holly
à Albert Camus

Saint-John KAUSS

Montréal, 12 janvier 2023

1979, photo de Saint-John Kauss.

Dois-je habiter la mer qui somme de l’écouter des îles                           des radeaux bien-aimés d’une riche famille décisive                             caractérielle à la nuit des comptes et colons s’exilant pour faire fortune

De Bordeaux à Marseille jusqu’à Paris                                 mes cousines sont aujourd’hui arabes de sang pour la moitié des antigènes donnés

Autrefois agents de liaison des îles et propriétaires de terres et d’esclaves attachés                       ils ont connu la femme noire                    nos femmes crevées dans les ajoupas et cases déclarés propriétés du criminel                               ils ont fourni des mulâtres à l’association des sangs-mêlés pour le pouvoir d’être beaux et fils de colons
 
Par la magie des cœurs/rites et symboles avoués                                           j’ai fait échouer dans mon exil intérieur poètes prédateurs et maires de l’offense                      concubines averties et hommes de mauvais goût                                   jusqu’à l’irradiation totale des archives de la forêt          

Mage /je le suis pour toujours et pour les hommes humiliés dans la complicité du vent et des pluies torrentielles                        je n’aime pas le temps froid sans soleil                    je n’aime pas la femme Celte trop blanche pour ma couleur mélanisée

Pourtant j’aime les branches fraîches du cyprès trop gourmands                         la mélanine de ma peau très près du soleil                       les affres de ma vie à remanier en silence

J’aime la femme métissée avec succès                 ces mulâtresses qui s’ennuient sans bonheur          l’eau chaude de la mer frappée d’hérésie

Les bougainvilliers les lys et anémones les orchidées le ficus les fougères les candélabres les fleurs d’olive les eucalyptus les fleurs d’oranger                           toute cette race méconnue du règne végétal que j’ai arrosée de mes mains et os                             depuis l’enfance désordonnée dans des villes et villages sans eau potable

Anses-à-galet /Lascahobas /les Gabions des Cayes /les plages et bancs du Cap /les sucreries et prostituées de Petit-Goâve/les magiciens des Gonaives/les contrebandiers de Ouanaminthe                        autant aimés ces coins du poète

Que reste-t-il de ces bouts de terre si compliquées par l’obédience des mains sales sur la frontière  ----------  de ces femmes accroupies pour faire l’amour et donner du plaisir à leurs proxénètes

J’ai vécu dans la multitude des quartiers de filles et femmes                           autant de vierges fertiles dans des sourires catapultés à l’aimé

Dois-je redire mon pardon à la femme du poète endormie entre ses mains

*

 Viré monté