Potomitan

Site de promotion des cultures et des langues créoles
Annou voyé kreyòl douvan douvan

Cartes d’esclaves

Saint-John KAUSS

à Francesca à Isancia

«Ô divine vertu, livre-toi, que je puisse
raconter pour le moins l’ombre du règne heureux,
tel que je l’emportai gravé dans ma mémoire…»
(Dante Alighieri)1

Ottawa-Gatineau, 14 mars 2023

Beaucoup d’esclaves / beaucoup d’hommes ont perdu leur âme dans le commerce des uns et des autres                           dans l’insoumission à Dieu                       dans le partage des femmes de toutes les folies                    dans la volée des terres si pacifiques

Je me réserve le droit d’ajouter mes mots à la grue des hommes si maléfiques                    à la couleur de ma peau si magnifique                   à ma bonté d’être père de tous ces enfants si soumis                  à l’héritage / l’abattoir                   que signifiait ma honte de voyager sur le Négrier                       au bas d’une passe pour l’Atlantique

Ô Atlantique des vivants et des morts à venir                           Ô meurtrier des hommes je te hais

Même si j’aime la mer et ses entrailles                    surtout le sable qui enfantera le désert                 une pluie de poussière alarmée par le bédouin                         un vieillard qui pleure de peur de mourir

À aimer trop la vie même quand on est pauvre                                        j’aime la vie pour écrire

Je l’aime pour le temps qui n’existe pas                        pour l’espace des hors-la-loi qui défont le ton de l’humain                      pour le temps et l’espace des poètes qui deviennent fous                   par manque d’illusions

Je suis un poète des évènements et de l’Histoire                               des femmes que j’ai aimées / qui m’ont traité avec douceur                          de mes enfants si fragiles à mes yeux de cocaille

Cobaye des rues et des ruelles                    si ordonné que je m’inscris aux sociétés helvètes               secrètes depuis Colomb depuis Caonabo mon adoré

Note

  1. O divina virtù, se mi ti presti 
    tanto che l’ombra del beato regno 
    segnata nel mio capo io manifesti,...

    - Dante Alighieri, Paradiso, Canto I.

*

 Viré monté