AYITI

Haïtiens aujourd'hui

Magazine, Avril 2006

Pour le moment il n'y a pas de copie imprimé, ceux qui désirent
recevoir le pdf peuvent  m'envoyer un email. Bob Nerée

Haïtiens aujourd'hui

COUVERTURE

Ralph Gilles

Ralph Gilles, 36 ans, est dessinateur en chef aux usines d’automobiles DaimlerChrysler aux Etats-Unis d’Amérique.

Il est une fierté pour la communauté haïtienne en Amérique du nord, aux USA comme au Canada, et un succès consacré dans la communauté noire américaine.

Comment un jeune haïtien peut-il être dessinateur en chef dans cette grande compagnie américaine? Et il y a mieux: Comment peut-il être le dessinateur d’un modèle précis de Chrysler, la 300C, à grand succès en Amérique du nord?

Pourtant, c’est bien le cas avec Ralph Gilles, né de parents haïtiens établis aux Etats-Unis d’Amérique. Ralph est né à Manhattan et ensuite a grandi à Montréal, au Canada.

Aujourd’hui il peut servir de modèle à un grand nombre de petits haïtiens, ou haitiano-américains ou canadiens, qui savent que toutes les portes leur sont ouvertes dans le ou les pays d’adoption de leurs parents.

Ralph Gilles n’était pas plus brillant qu’un autre à l’école, dit-il avec un sourire sobre et réservé. Mais pour sûr, il avait le dessin pour passion.

Déjà, à 14 ans, il dessinait “des “natif-natal”, n’a pas hésité à pointer du doigt la direction du succès pour Ralph. Elle décide d’écrire au directeur général de Chrysler, alors Lee Iacocca, pour lui chanter les talents de son neveu. Grande surprise, le CEO répond et recommande la route à prendre, les écoles à fréquenter si le jeune Ralph veut retenir l’attention de ceux qui choisissent les talents pour Daimler-Chrysler.

Effectivement, après ses études, Ralph Gilles est embauché comme dessinateur à Chrysler, à Detroit. On sait déjà dans tout Montréal qu’un jeune haïtien travaille comme dessinateur à Chrysler. On apprendra, par la suite, qu’on lui doit le modèle 300C de Chrysler qui ressemble tellement à une Bentley. Les publications noires américaines parlent de lui comme d’un succès noir âgé de moins de 40 ans. Et la prochaine information qui va courir la communauté à haïtienne c’est la nomination de Ralph Gilles comme dessinateur en chef à Daimler-Chrysler.

Marié et père de deux enfants, Ralph Gilles vit un peu au jour le jour sa réussite. Sollicité dans tous les groupements d’Haïtiens en Amérique du nord, il perçoit avec réserve et sobriété son rôle de modèle obligé pour les jeunes haïtiens. “Il faut leur dire que tout est possible” répète-t-il.

Qu’il faut rêver grand et ne pas avoir peur de l’avenir”. Et Ralph Gilles ne rate jamais l’occasion, comme il l’a fait récemment dans le sud de la Floride pour dire qu’il doit beaucoup sinon tout à trois femmes dans sa vie: sa mère, sa tante et sa grand-mère.

Crabe

Editorial

Qui lit quoi?

Bob Nerée

On ne dispose d’aucun chiffre sur le sujet qui nous intéressse en Haïti. En Europe et aux Etats-Unis, des agences spécialisées donnent à peu près chaque année ce qu’il en est, à partir de sondages réguliers et d’enquêtes. On sait, par exemple en Europe, que la lecture a considérablement baissé en 2005 par rapport à 2004. On sait que les femmes lisent beaucoup plus que les hommes et l’on identifie même ce qu’elles lisent. On rapporte, par exemple, que les “news magazines”, genre L’Express, Le Point, Le Nouvel Obs, sont en perte de vitesse, qu’on ne les lit plus avec autant d’engouement qu’avant. Par contre, que les publications du genre Télé 7 jours sont beaucoup plus en demande. Bref, on lit beaucoup moins en Europe, cette année. Et pour cause. Mais, nous verrons plus tard.

Entretemps aux Etats-Unis, c’est un peu la même chose. L’édition n’est pas aussi prisées qu’avant. D’autres médias, plus dynamiques l’on dirait, l’emportent. Les journaux imprimés, d’une façon générale, sont en baisse, avec tout le cortège de ce qui s’y rapporte, en particulier la publicité. La situation est telle sur le continent américain, y compris le Canada et le Brésil, que des campagnes officielles tentent de stimuler les enfants à lire. N’importe quoi, pourvu qu’ils lisent. La aussi, il y a, croit-on, de bonnes raisons à cette baisse d’intérêt.

Maintenant nous n’allons pas parler d’Haïti ou de la communauté haïtienne. En majorité, et il n’y a aucune honte à cet état de fait, nous sommes des analphabètes. Des gens qui sont encore à l’oralité. Nous n’avons pas encore appris, pour la plupart, l’importance du texte écrit, voire de la lecture en tant que mode de réception de l’instruction et de l’information.

Pas encore, c’est peu dire. Mais, avec et pour toutes les autres raisons, nous trainons, (le nous des huit à dix millions d’Haïtiens) le fardeau de notre analphabétisme.

Ainsi, en Europe, en Amérique comme en Haïti (nous ne savons pas ce qu’il en est de l’Asie et des autres parties du monde), la situation est-elle paradoxale et ce n’est pas la première fois qu’elle se présente ainsi. Au moment où il est le plus facile de lire, où l’on a accès à le plus d’information, où chacun dispose à la maison d’une encyclopédie électronique grâce à l’ordinateur et à l’internet, c’est précisément à ce moment même que nous lisons le moins. C’est toujours ainsi. Comme si l’abondance même de cette information disponible contribuait à la dévaloriser. Maintenant qu’on n’a plus à se passer le même journal dans ce village ou cette ville de province, maintenant qu’on est au courant ou qu’on peut savoir à l’instant même ce qui se passe à l’autre bout du monde, c’est alors qu’on ne prend plus “le temps” de lire. On se dit que “le temps” est trop précieux, on en a besoin pour autre chose que la lecture. Et on ne lit même pas à l’écran d’un ordinateur.

A la vérité, ce n’est pas entièrement le cas pour nous autres Haïtiens. Car curieusement, il y a, toute estimation faite, environ 5000 Haïtiens à travers le monde qui chaque jour accordent quelques minutes à l’écran de leur ordinateur pour savoir ce qui se passe dans leur pays. C’est beaucoup ou c’est peu? 5000 sur 8 à 10 Millions d’Haïtiens. Cela ne change pas grand chose, du moins pour le moment. Néanmoins, c’est une estimation qui explique beaucoup de choses et qui nous dit très simplement où nous sommes, en tant que peuple.

L’on ne va pas se mettre en tête que dans les dix à vingt prochaines années, il y aura des miracles et qu’un million d’Haïtiens vont se mettre à lire. Mais il faudra toutefois espérer un certain nombre de choses: Que ces 5000 lecteurs Haïtiens ne s’intéresseront pas seulement à savoir ce qui se passe de politique dans leur pays; qu’ils liront chaque jour même quand il n’y a rien de saillant dans l’actualité au sujet d’Haïti; qu’ils s’intéresseront eux encore, les mêmes qui consultent l’écran de l’ordinateur, au texte écrit tout court comme source de connaissance, d’information, de formation et de transformation.

Qui lit quoi? L’on saura peut-être un jour, très scientifiquement. Mais l’on peut aussi savoir aujourd’hui, tout seul. Simplement en notant soi-même quelles pages d’informations non politiques ont accroché notre intérêt dans ce copieux magazine du mois d’Avril 2006.

Bonne lecture et à bientot.

Bob Nerée

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Crabe

La francophonie, un drôle de machin

La francophonie, un drôle de machin

Action culturelle et coopération sportive: les initiatives se multiplient au nom de la “francophonie”, sans que l’on comprenne toujours à quoi ça sert.

Le temps d’un sommet, les francophones du monde entier manifestent l’appartenance à une même communauté. Mais, passé l’événement, nombreux sont ceux qui continuent de se demander ce qu’est en réalité la francophonie.

Comme à l’occasion de tous les sommets de la francophonie, la mobilisation des médias internationaux oblige les citoyens des pays concernés à accorder leur attention à cette question. En l’espace de quelques jours, les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres et autres responsables se voient ainsi offrir une tribune exceptionnelle pour échanger leurs points de vue sur l’état de la langue française dans le monde, mais aussi sur la marche du monde et sur les relations entre la France et les autres pays de cet espace culturel et politique.

Pour le commun des citoyens francophones, la francophonie est une institution qui rassemble les pays ayant en partage l’usage du français. Pourtant, la francophonie ne regroupe plus seulement le Canada, la Belgique, la France et ses anciennes colonies. On y compte des pays comme la Guinée- Equatoriale, le Nigeria ou le Zimbabwe. La francophonie a, évidemment, pris une autre dimension avec la création de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), dont l’actuel secrétaire général est l’ex-président sénégalais Abdou Diouf, pour ne plus s’inscrire uniquement dans l’action culturelle.

Dans le contexte des relations internationales, elle s’est adjoint une fonction politique lui permettant d’élargir ses horizons. Pour Abdoulaye Maïga, originaire du Niger, “la francophonie vise essentiellement à promouvoir l’usage et le rayonnement de la langue française dans le monde”. Quant à François Gbénou, d’origine béninoise, “hormis le partage de la langue française et la défense de la place qui doit lui revenir dans le concert des institutions internationales, la francophonie est aussi un instrument de développement pour les pays du Sud”.

En dépit de la mise en place des commissions nationales de la francophonie dans plusieurs pays du continent africain, la grande majorité des Africains ne comprennent pas toujours les actions de l’Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF) sur le terrain. La francophonie est restée à ce jour l’affaire de coteries d’intellectuels et de gouvernants. Au sud du Sahara, lorsqu’on interroge des citoyens, ayant pourtant le rôle de la francophonie, ils citent pêle-mêle certaines actions de l’OIF: aide à la production cinématographique, envoi d’observateurs dans le cadre de processus électoraux, envoi de médiateurs dans des situations de crise. L’aide aux médias du Sud, la promotion artistique et culturelle, la diplomatie au plan international et bien d’autres actions sont par contre largement méconnues.

Autant dire que, pour beaucoup, la francophonie est encore au stade d’un concept qui aurait besoin d’être démocratisé pour rendre ses actions sinon plus lisibles, du moins visibles pour les populations concernées. Il aura fallu que l’organisation des Jeux de la francophonie soit attribuée au Niger pour que les Nigériens commencent à s’intéresser davantage à la question. Selon Soumaila Almoustapha, l’ex-directeur général du Comité national d’organisation, “l’ambition du Niger est de transformer cet événement par définition éphémère en opportunité de développement durable. Le Niger veut se saisir de ces Jeux pour créer des conditions favorables à son développement, dans tous les secteurs qui peuvent s’inscrire dans la durée. Pour notre pays, l’opportunité est réelle et sera très positive.” Au-delà des grandes rencontres francophones, l’OIF, via ses relais nationaux, a d’abord besoin d’être mieux connue en tant qu’institution.

Ensuite, nombre de ses antennes qui passent inaperçues ont encore beaucoup à faire dans les différentes capitales africaines où elles sont implantées, a fortiori dans les régions de l’intérieur où les populations ignorent totalement leur existence. A en croire Bernard Hougbo, étudiant à l’université du Bénin, à Lomé, au Togo, “il faut se passionner pour la littérature française, les recherches documentaires ou les relations internationales pour découvrir que des commissions nationales de la francophonie existent. Concernant l’Organisation internationale de la francophonie, tout lettré connaît son existence à travers les médias. Même si, sur ses attributions et ses actions, on ne peut toujours pas dire grand-chose.”

Ce qui continue d’entretenir la flamme de la francophonie en dehors des cercles intellectuels et politiques des capitales francophones d’Afrique, ce sont bel et bien les centres de lecture et d’action culturelle (CLAC). Dans les pays qui en bénéficient, ils constituent, pour les populations locales, l’unique lien véritable avec le monde francophone. Plutôt que d’abandonner ces structures dans un état qui laisse souvent à désirer, les responsables en charge de ces structures ont tout intérêt à les rendre plus dynamiques.

Elles pourraient servir de canal pour faire connaître à tous l’OIF et les commissions nationales de la francophonie dans toutes leurs dimensions. Et, pourquoi pas, peut-être aussi envisager, parmi les personnalités du monde francophone qui s’illustrent particulièrement dans leur domaine de compétence, la nomination d’“ambassadeurs de la francophonie”. A l’instar de ce qui se fait pour les bonnes causes dans bien des institutions de l’ONU. Car, pour reprendre un confrère, “nous aimons bien la France… Même si les politiciens français – qui font fort bon ménage avec les nôtres – nous répugnent parfois, nous sommes liés par la langue à la France, qu’on le veuille ou non, pour longtemps encore. Surtout pour nous, qui sommes d’anciennes colonies françaises.” Ce sentiment est partagé par la grande majorité des francophones d’Afrique. Et cette évidence objective justifie fort joliment la définition de l’écrivain libanais Salah Stétié: “La francophonie est une culture, une civilisation, un mode de vie, une communauté humaine. Tout cela relié par la pratique et l’amour d’une même langue.”

Marcus Boni Teiga
Le Bénin aujourd’huit

Crabe

Nro Mai 2006

Nro Juin 2006

Haïtiens aujourd'hui

 

 

 
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